Le caviar
Denrée grand luxe
Subtil, rare et précieux, le caviar est l’un des mets les plus prisés, mais aussi l’un des plus onéreux. Pur délice, riche en saveurs, longtemps associé aux fastes des grandes cours, cet “or noir” s’invite désormais dans toutes les assiettes et sur toutes les tables lorsque l’on veut célébrer une occasion spéciale.
Constitué d’œufs d’esturgeons non fécondés ayant macéré dans une saumure, le caviar est le fruit d’une préparation délicate. Tamisé, lavé puis égoutté, trié par grains et enfin conditionné sous vide dans des pots en verre ou des boîtes métalliques, sa fabrication implique une expertise et un savoir-faire exceptionnels.
Poisson migrateur de grande taille, l’esturgeon, espèce protégée depuis 1982, tout comme le saumon, vit en mer et remonte les rivières pour pondre. Présent autrefois en abondance dans la mer Caspienne et dans la mer Noire, ainsi que dans les fleuves aux estuaires accessibles tels la Volga ou l’Oural, il est en voie de disparition à l’état sauvage, en raison de la surpêche et de sa maturité sexuelle tardive. En effet, bien que la Russie et l’Iran travaillent depuis belle lurette au repeuplement de la mer Caspienne en y reversant annuellement plusieurs millions d’alevins, c’est l’élevage qui supplée à l’heure actuelle à la pêche en milieu naturel. Pourtant, même dans ces conditions, il faut compter huit à dix ans pour qu’une femelle ait des œufs.
Symbole d’excellence, le caviar a toujours été considéré comme un aliment de choix. En effet, dès l’Antiquité, Grecs et Romains faisaient rôtir ces poissons dont ils appréciaient déjà les œufs. Néanmoins, ce sont les Perses qui ont été les premiers à consommer le caviar sous sa forme actuelle. D’abord, ils le mangeaient, réduit en bouillie, à la place de la viande. Petit à petit, les modes de préparation et de conservation à base de sel ont commencé à évoluer. Parallèlement, le mets s’affine et prend le chemin de la cour des tsars en Russie où il connaît son heure de gloire. En effet, l’aristocratie y prend très vite goût. Du coup, la production locale démarre à son tour. Elle se diversifie aussi, puisque les Slaves exploitent également les œufs les moins beaux. Déshydratés et compactés, ces derniers sont commercialisés sous forme de pâte dense qui se conserve longtemps. Le “caviar pressé” est ainsi né. Toutefois, ce n’est que dans les années vingt que les deux frères d’origine arménienne, Melkoum et Mouchegh Petrossian, introduisirent la fameuse denrée à Paris et fondèrent la société du même nom, actuellement premier acheteur et importateur au monde. Acculés à fuir leur pays en raison de la révolution bolchévique et des événements violents qui ont secoué à l’époque la Russie et la région du Caucase dont ils étaient originaires, ils ont réussi à faire du caviar, alors inconnu en Europe, un produit universellement convoité, emblème du nec plus ultra.
Une notoriété qui, au fil des ans, a malheureusement mis en péril la survie des esturgeons devenus victimes du braconnage et d’une surexploitation intensive, fait qui incitera de nombreux pays, dont la Russie, l’Iran, le Kazakhstan et la Chine, à développer les piscicultures. La France, où cette industrie de luxe s’est parée de toutes ses lettres de noblesse, est devenue entretemps premier pays producteur de caviar d’élevage en Europe...